Le jour où notre chère chef de projet Helia m’a proposé de concevoir la musique de son oeuvre, j’étais assez perdu. La composition musicale était pour moi une sorte de jouet, un petit passe-temps hebdomadaire auquel un ami m’avait initié un certain temps auparavant. D’ailleurs, c’est peut-être pour ça que jusqu’à très récemment je ne faisais jamais de musiques complètes. J’aimais bien créer de nouveaux bruits, ou plutôt de nouvelles sonorités, et bien souvent c’était assez inaudible…
Aperçu
Une musique complète, au final, c’est beaucoup de restrictions ! Il faut une introduction, un développement et une fin, la durée est quasiment réglementée ( 1:30 à 5 minutes, rares sont ceux qui font des musiques de plus d’une demie heure -petite dédicace à Genesis !) et le plaisir de créer vient surtout pendant le développement des phrases musicales principales (c’est d’ailleurs souvent par le milieu que je commence à composer une musique).
Bref, à ce moment-là, je n’avais à peine qu’une dizaine de compositions « sérieuses » au compteur, le reste étant des essais, des gribouillis comme celui montré plus haut. On pourrait presque parler d’âmes de musique, vu que seul l’essence de la musique m’intéressait (enfin, ma vision de l’âme d’une musique). Mais la curiosité l’a emporté… La curiosité d’essayer de me tâter à un projet réellement sérieux, avec restrictions, plannings, et surtout une carotte finale bien juteuse : un beau jeu avec un peu de moi dedans !
Mais voilà, j’ai rapidement découvert quelque chose : composer, inventer, imaginer ne se fait pas à volonté. Et alors que certains artistes composent sans répit et sortent des albums incroyables de créativité chaque mois (je pense notamment à Lapfox, allez voir ce qu’il fait, c’est gratuit en plus !), d’autres, plus posés, ou dont la muse inspiratrice se fait plus rare, créent leurs oeuvres sur plusieurs mois, voire plusieurs années (voir Zektbach, un type très doué). Je fais de mon côté partie de la deuxième lignée, et la bande-son de la « vitrine » de MILK m’aura pris 6 mois, alors que je prévoyais la finir en deux fois moins de temps.
Mais trêve de bavardages, je vous crée ce petit article afin de vous faire partager et comprendre un peu comment nous nous en sommes pris, à la Träumendes Mädchen, pour développer la musique du projet « vitrine » du jeu. Pour rappel, cette bande-son comporte environ 35 minutes de musique étendues sur un peu plus d’une dizaine de musiques.
Voilà déjà un petit extrait du premier mail que m’avait envoyé Helia vis-a-vis de la bande-son du jeu. On voit déjà un peu l’idée globale et ce que vous pourriez avoir dans les oreilles :
Evidemment que c’est dans mes cordes ! J’aime normalement la musique traditionnelle/celtique et depuis tout petit on m’a bercé dedans ! Mais, ça veut dire quoi, faire une bande-son celtique ?
Au final, parler d’une bande-son celtique/traditionnelle serait assez pompeux de ma part. Si j’avais fait une vraie bande-son celtique, elle n’aurait pas été exploitable car trop de personnalité et pas assez « invisible » (ça me fait penser à un certain Erik Satie, mais passons…). Donc, un peu comme on peut voir dans l’OST « Shikkoku no Sharnoth », je suis parti sur une musique « type RPG » en utilisant instruments divers et variés de la musique traditionnelle que sont la cornemuse, la harpe, la vielle à roue, le Bodhrán, la mandoline ou encore le whistle…
Non, je vous ai pas pondu un truc aussi timbré.
Pour vous donner une idée, le document sur lequel j’ai planché pendant 6 mois ressemblait à ça :
Liste de musiques pour la démo.
Donc Helia m’a donné comme informations :
- Une description du type d’ambiance recherchée.
- Une direction vers laquelle me tourner vis-à-vis des instruments.
- Des références, des musiques qui selon elle correspondent à ce qu’elle veut.
Je dois dire qu’en tant qu’artiste, le plus important est la description de l’ambiance recherchée. Tout simplement parce que c’est la chose la plus abstraite des informations qu’on m’a donné, et donc que mon imagination peut en sorte « modeler » comme elle lui semble. Le choix des instruments est une solution (en quelque sorte) pour s’y retrouver dans la jungle de moyens pour retranscrire l’ambiance voulue, et enfin les exemples m’ont permis de vérifier que je me trompais pas de chemin.
Lors de la création des musiques, je crois que c’est en partant des instruments demandés que j’ai le mieux réussi à atteindre le résultat recherché. C’est pourquoi vous devriez entendre assez souvent les mêmes instruments pour les mêmes types d’ambiance retranscrites. On pourrait voir ça comme un caractère limitatif, redondant musicalement parlant, mais je pense que c’est un bon moyen pour le lecteur de s’y retrouver. En effet, sans spoiler trop, pendant un bon quart du jeu le lecteur s’éloignera de l’univers créé au début pour partir dans un délire à la Helia, et le retour dans l’univers principal sera (de mon point de vue) assez brutal. Grâce aux instruments j’espère parvenir à transformer ce retour brutal en une espèce de remémoration auditive, genre « Tiens, cette musique ça faisait plusieurs heures de jeu que je l’avais pas écoutée ». Effectivement, une partie du scénario se détachera beaucoup de la harpe, flûtes traditionnelles ou sonorités calmes pour entrer dans un univers beaucoup plus trépidant, fascinant mais aussi dangereux, où les rythmes seront plus orientaux, préférant percus afriquaines, mandolines et guitares à 12 cordes.
Bref bref bref, j’arrête de spoiler ! Voici pour finir ce poste ma foi sûrement un peu imbuvable, une petite vidéo de (seulement !) 30 minutes expliquant aux petits curieux(ses) que vous êtes les subtilités de la composition sur ordinateur. Si vous avez des questions, je vous autorise à spammer (modérément !) la partie commentaires de cet article, ou de la vidéo.
Expliquations vis-à-vis de la MAO.
Et cerise sur le gâteau, voici un rendu de la musique, avec une heure en plus de travail dessus après la vidéo (elle est pas encore finie, loin de là !) :
Aperçu.
Cette musique ne sera écoutable finie que dans la version complète du jeu, vu que c’est la partie sur laquelle je travaille actuellement ! À plus tard, dans vos oreilles ! 😀